Les plaidoiries des avocats de la défense dans l’affaire de l’assassinat du père de la révolution burkinabè et de ses douze camarades se sont poursuivies ce mercredi 23 mars 2022 à la salle d’audience du tribunal militaire. Tour à tour, ce sont les avocats de l’accusé Yamba Élysée Ilboudo, Me Éliane Kaboré, de l’accusé Naboswendé Ouédraogo, Me Mamadou Sombié, de l’accusé Bossobé Traoré et de Me Maria Kanyili, de l’accusé Savadogo Idrissa, conseil de Me Aouba Zaliatou.
D’entrée pour la défense de son client, l’accusé Yamba Élysée Ilboudo, Me Eliane Kaboré a pris le soin de s’incliner devant la mémoire des victimes des évènements du 15 octobre 1987. Selon elle, rien ne peut justifier une vie qu’une soit ôter. Avant de rentrer dans le vif du sujet, Me Eliane Kaboré a fait un rappel des faits au tribunal concernant son client qui est poursuivi dans cette affaire de complicité d’attentat à la sureté de l’État et de complicité d’attentat. L’accusé Yamba Élysée Ilboudo est celui qui a conduit l’un des véhicules du commando au conseil de l’entente, le 15 octobre 1987.
Pour Me Kaboré, cette mission au conseil de l’entente était sous les ordres de l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando. Et le soldat de première classe Yamba Élysée Ilboudo était qui pour refuser les ordres de son supérieur dans l’armée burkinabè et surtout avec l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando qui avait la gâchette facile. Se basant sur cet élément, Me kaboré soutient que son client n’est pas complice car il ne savait pas que cette mission participerait à l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons.
Mieux, la préméditation qui est un des éléments distinguant l’assassinat du meurtre, Yamba Élysée Ilboudo n’a rien préparé et n’a pas voulu la mort du président et les autres. Si son client était au courant de cette mission, il allait être au courant au moins de l’itinéraire du groupe.
Elle en veut pour preuve, le fait que lorsqu’ils ont quitté le pied-à-terre de Blaise Compaoré direction résidence, Hyacinthe Kafando a mis sa main sur le volant brusquement pour faire bifurquer en lui posant cette question « tu vas ou ». Ce qui a entrainé le véhicule de service du chauffeur Yamba Élysée Ilboudo à finir sa crouse à l’entrée du secrétariat du bâtiment où s’étaient réunis Thomas Sankara et ses compagnons.
Partant de ces éléments et avec d’autres preuves, Me Kaboré demande purement et simplement l’acquittement de son client. Elle requête au tribunal de s’éloigner de la réquisition faite par le parquet qui a requis 11 ans de prison ferme contre son client. Pour elle « si le tribunal suit le parquet, il aura jugé, mais pas rendre justice car Il n’y a pas d’éléments de preuve apportés dans ce procès, à part des tâtonnements et des doutes » a indiqué Me Eliane Kaboré.
A la fin de la défense de Me Eliane Kaboré, ce fut le tour de Me Mamadou Sombié, avocat de l’accusé Naboswendé Ouédraogo de plaider.
Pour commencer, il a changé le décor de l’audience en interpellant son client de faire face au président du tribunal. Après ce changement, il a commencé par un mot introductif dans lequel, Me Sombié affirme que le procès Thomas Sankara et de ses douze compagnons est « un procès pour l’histoire et un procès du crime évident et des doutes ». Selon lui, ce procès se tient grâce aux sacrifices des insurgés de 2014 que la partie civile n’a pas eu le courage de signaler.
Après ce mot introductif, Me Sombié a fait un bref parcours du père de la révolution Thomas Sankara en s’appuyant sur les révélations des religions. Il a indiqué que le père de la révolution n’a pas été un prophète, mais plutôt un ange car il avait les caractéristiques d’un ange. Pourquoi. Il était très intelligent, très beau, mais têtu jusqu’à la mort. Pour preuve ceux qui amenaient les informations concernant son assassinat. Thomas les renvoyaient pour jouer de la musique avec sa guitare, même sa femme.
En ce qui concerne la défense de son client Me Mamadou Sombié, avocat de l’accusé Naboswendé Ouédraogo, a plaidé devant la chambre pour le « sursis » et ce, au bénéfice du doute pour son client, car « le dossier est sans preuve accablante ». Il a axé sa défense sur deux thèses, à savoir « un procès pour l’histoire, et un procès de crime évident et de doute ». Pour la thèse de crime évident la mort du président Thomas Sankara et ses compagnons a été constatée. « C’est un fait ». Mais ce crime est rempli de doute et ces doutes doivent permettre de blanchir son client car en droit, le doute profite à l’accusé » a-t-il soutenu.
Selon Me Sombié, la présence de l’accusé Naboswendé Ouédraogo est un doute parce que les témoignages, sur son client sont douteux. Il en veut pour preuve la confusion des personnes entre Naboswendé Ouédraogo et Nassoswendé Ouédraogo. Pour terminer sa défense, il a demandé au tribunal de ne pas accorder du crédit, aux réquisitions du parquet militaire, demandant 20 ans de prison contre l’accusé Naboswendé Ouédraogo et aux différents autres témoignages. Pour Me Sombié, « dans un procès historique, on ne donne pas de lourdes peines. On applique le sursis ».
Après Me Sombié, Me Maria Kanyili a plaidé pour la relaxe de son client, l’accusé Bossobé Traoré.
Bossobé Traoré est poursuivi pour complicité d’assassinat et complicité d’attentat à la sûreté de l’État, dans ce procès. Pour Me Maria Kanyili, son client est accusé uniquement sur la base de témoignages. Et ces témoignages ne sont fondés sur « aucune preuve matérielle » à en croire Me Kanyili. Sur ce qui concerne la complicité d’attentat à la sûreté de l’État ou sur la complicité d’assassinat, elle remarque que le parquet militaire et la partie civile n’ont pas pu apporter une « preuve matérielle qui implique ».
En évoquant par exemple le passage du témoin Thérèse Kathionga qui charge son client, Me Maria Kanyili a demandé au juge de ne pas tenir compte de ce témoignage car ce témoignage est enclin de « haine » au regard de la liaison amoureuse qui a lié l’accusé Bossobé Traoré et le témoin Thérèse Kathionga. Pour terminer, elle soutient que son « client a été maladroit dans sa défense parce qu’il est innocent et les innocents se défendent généralement mal de peur de placer un mot qui ne sait pas à sa place. Elle a demandé purement et simplement au tribunal de relaxer son client », a-t-elle conclu.
A la suite de Me Maria Kanyili, c’est le tour de Me Aouba Zaliatou, avocat de l’accusé Idrissa Sawadogo.
Poursuivi dans ce dossier complicité d’attentat à la sûreté de l’État et d’assassinat. Me Aouba Zaliatou dans sa défense a qualifié les réquisitions du parquet d’« excessives ». Et elle a plaidé pour la prescription des faits et subsidiairement de leur non constitution. « Je vous demande de faire bénéficier une bienveillante application de la loi pénale à mon client. J’ai confiance en votre juridiction, à son impartialité et à son indépendance vis-à-vis de l’opinion publique. Rendez la décision fondée sur votre intime conviction » a-t-elle conclu.