En 1987, Stephen Smith journaliste américain et spécialiste de l’Afrique, avait des liens professionnels avec les leaders de la révolution d’aout 1983. Après l’assassinat de Thomas Sankara et ses frères d’armes, il fut le premier à en faire un récit, paru dans le journal Libération, dans lequel son article a retracé la mort du leader. Pour éclairer le tribunal, il a comparu, ce 11 janvier 2022, comme témoin, par vidéo-conférence.
«Je connaissais les leaders de la révolution et j’avais de la sympathie avec Thomas Sankara », débute le journaliste de REUTERS, mais aussi journaliste collaborateur à RFI et Libération. Mais, le 15 Octobre 1987, il n’était pas à Ouagadougou, toutefois, il se souvient du climat de tension entre les leaders de la révolution, durant la période. « Il y avait une réunion à Nouakchott et Thomas Sankara y était avec plusieurs autres. J’ai dit à Thomas Sankara qu’au nom de la révolution, il n’avait aucune légitimité de mandat électif et il a été mécontent et m’a presqu’expulsé de la salle ».
Le journaliste poursuit : « 24 ou 48 heures avant la mort de Thomas Sankara, j’étais à Abidjan et il m’a appelé, il avait un ton léger et je sentais une vive inquiétude, mais Thomas était du genre a montré qu’il maitrise la situation. Il disait que la situation n’allait pas bien et qu’il voulait que je vienne à Ouagadougou. Je sentais que quelque chose se tramait. Mais quelques jours, plus tard, j’apprenais sa mort. Après la mort de Thomas Sankara, à Abidjan, des gens avaient allumé des cierges pour le deuil.
« J’ai cherché à comprendre via REUTERS pour lequel je travaillais et j’ai contacté Blaise Compaoré par télex et il m’a répondu aussitôt, tout en m’invitant à Ouagadougou. Arrivée au Conseil de l’entente, je suis allé à son bureau, mais il ne m’a rien dit, j’ai insisté pour savoir, mais il m’a dit d’aller faire mon travail. J’ai trouvé Alouna Traoré, 24 heures plus tard, j’ai rencontré Alouna Traoré le seul survivant pour une interview. Ensuite, j’ai fait un article sur Libération qui est toujours d’actualité. J’avais l’intime conviction que les éléments de Blaise Compaoré avaient assassiné Thomas Sankara. Par la suite, j’ai été expulsé du Burkina Faso. A cause d’une interview accordée au Lion du Boulkiemdé qui voulait riposter après la mort de Thomas Sankara. C’est comme ça que j’ai été interdit de venir au Burkina Faso, parce que j’étais persona grata. »
« J’avais appris auprès de plusieurs sources que Thomas Sankara préparait un document de purification de la révolution. Pendant la révolution, c’était un contexte particulier et la France était puissante dans la région, pas comme aujourd’hui. Le contexte à l’époque avec la révolution était en porte-à-faux avec le contexte post-colonial. Les syndicats des chefs d’Etats se resserraient les coudes entre eux, ce qu’on appelait les dictateurs. C’était des symboles et on s’interrogeait de l’attribut du pouvoir. La révolution était vue comme un espoir pour certains et une menace pour d’autres. Une fois Blaise m’a dit que si dans une pièce se trouvent Thomas Sankara et Houphouët-Boigny, il peut y avoir de l’électricité, à cause de la vieillesse et la jeunesse.
Mitterrand voyait Sankara comme une jeune, avec beaucoup de condescendance, il y avait comme impression de s’en débarrasser, mais je n’ai jamais eu la moindre piste que la France a pu jouer un rôle dans l’élimination de Thomas Sankara
Il y avait une tension électrique entre Thomas Sankara et Houphouët-Boigny, les agendas n’étaient pas pareils, l’agenda de Sankara était révolutionnaire, il voyait Sankara comme un tourbillon, parce qu’il était ancien et puissant dans la région, c’est lui qui aidait financièrement ses pairs » a conclu Stephan Smith
Il est donc le dernier témoin a passé à la chambre militaire dans cette affaire, ouvrant donc le bal au passage des pièces à convictions.
