27 juin 2025
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Burkina Faso : Le 7ème congrès de la CGT/B se prononce sur la situation nationale

Le 7ème Congrès ordinaire de la CGT-B tenu les 25, 26 et 27 novembre 2021 a analysé la situation nationale. Par la présente déclaration, il donne son analyse sur ladite situation, en vue de contribuer à éclairer les militant(e)s, sympathisant(e)s de la confédération, l’ensemble des travailleuses et travailleurs et l’opinion publique sur les enjeux qu’elle comporte.

La CGT-B avant tout propos salue la mémoire de tous les membres des FDS tombés au front, ainsi que celle des nombreuses victimes civiles.

En ce qui concerne l’évolution de la situation nationale, on peut dire que le Burkina Faso est frappé de plein fouet par l’approfondissement de la crise multidimensionnelle du système capitaliste impérialiste mondial. Une crise révolutionnaire secoue le pays depuis plus de deux décennies et évolue par paliers dont les derniers sont l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 et la résistance populaire victorieuse au putsch du RSP du 16 septembre 2015.

La crise se manifeste sur le plan politique par la faillite de toutes les institutions de l’État néocolonial qui se révèle incapable de répondre aux attentes des populations.

Moussa Diallo, SG CGT-B élu le 26 novembre 2021

Ainsi, la question de l’insécurité s’est aggravée d’année en année et a pris des proportions très inquiétantes ces derniers mois. Face à cette préoccupation devenue majeure pour les populations, le pouvoir étale chaque jour un peu plus son incapacité. Malgré les jeux de chaises opérés au niveau des ministères de la défense et de la sécurité (ayant impliqué les principaux ténors du MPP), de l’Etat-major général de l’armée, malgré l’accroissement significatif des budgets de la défense et de la sécurité, malgré la présence sur le territoire national de forces armées étrangères sous le couvert de la lutte contre ce phénomène, la situation a atteint un seuil critique : les populations des localités du nord, du centre nord, du Sahel, de la boucle du Mouhoun, des cascades et de l’Est du pays vivent dans une psychose générale avec des menaces permanentes d’attaques terroristes, d’assassinats, d’enlèvements, de pillage, etc.

Aujourd’hui, des pans entiers du territoire sont sous contrôle de groupes armés qui imposent leurs lois aux populations. Des localités et même des provinces entières ont vu leurs écoles fermer, des villages entiers se sont vidés et d’autres continuent de se vider de leurs habitants. À ce jour, les attaques ont provoqué plus de deux-mille pertes en vies humaines tant parmi les forces de défense et de sécurité que parmi les populations civiles, et plus de deux millions de personnes déplacées (majoritairement des jeunes dont 53% sont en âge d’aller à l’école).

Face à la faillite du système sécuritaire, les populations ont pris l’initiative de mettre en place des structures d’autodéfense. C’est dans ce contexte que dernièrement, les populations des villes de Bobo-Dioulasso, de Ouagadougou et de Kaya ont entrepris de bloquer le passage d’un convoi de l’armée française qui traversait le pays en direction du Niger. Il a fallu cette action pour que le pouvoir se donne la peine d’informer l’opinion sur cette opération.

La crise née autour du convoi français révèle à quel point nos autorités sont soumises au diktat de l’impérialisme français. Le pouvoir n’a pas hésité à réprimer les manifestants à Bobo-Dioulasso, Ouagadougou et à Kaya pour permettre le passage du convoi. Mieux, suite aux accusations portées par le ministre français des affaires étrangères sur les informations diffusées à travers les réseaux sociaux, il a procédé, sans aucune annonce, à la suspension pendant 96 heures de l’internet mobile, suspension qui a été renouvelée pour 96 autres heures !

Outre la crise sécuritaire, les populations font face à un renchérissement du coût de la vie : pendant que de nombreux acteurs sont confrontés à un ralentissement, voire un arrêt de leurs activités du fait notamment de la fermeture des frontières, les prix de la plupart des produits de première nécessité flambent et le gouvernement brille par son laxisme habituel sur le contrôle des prix.

La réaction des populations face à la dégradation de la situation témoigne d’une prise de conscience assez claire des enjeux. Les récentes mobilisations des populations de l’Est, du Sahel, du Centre Nord, du Nord, des Hauts-Bassins, du Plateau Central pour dénoncer l’incapacité du gouvernement à assurer leur sécurité et celle de leurs biens expriment leur ras le bol, elles qui en ont assez des mêmes rhétoriques creuses du Président du Faso : « Je condamne avec la dernière énergie ces attaques barbares » « j’ai compris votre message », etc. La CGT-B salue et soutient les manifestations des populations exigeant des mesures fortes pour assurer la sécurité des populations ou visant à exiger le départ des troupes étrangères de notre territoire.

L’adresse du Président du Faso du 25 novembre 2021, tentant de faire croire qu’il a enfin compris les attentes des Burkinabè ne peut convaincre que les plus crédules. Notre confédération, seule ou dans des cadres unitaires tels que le Collectif CGT-B, l’Unité d’Action Syndicale (UAS), la Coalition contre la Vie Chère, le regroupement des syndicats contre la baisse du pouvoir d’achat, pour les libertés et la bonne gouvernance n’ont eu de cesse, depuis 2015, d’interpeller le pouvoir MPP sur la violation des textes, sur le développement de la corruption, sur la lutte contre l’insécurité, etc. 

La constante au niveau des autorités a été de faire la sourde oreille, pire d’organiser la répression contre nos militant(e)s, en n’hésitant pas à violer les textes. Il en a été ainsi, avec les suspensions illégales de salaires de plus de 700 enseignants qui ont valu au Ministre OUARO de bénéficier de promotion politique, de félicitations et même de recevoir des ovations à l’Assemblée Nationale.

Concernant la corruption et les détournements, ce ne sont pas les dénonciations ni les interpellations qui ont manqué : des rapports des structures de lutte contre la corruption (ASCE/LC, REN-LAC, …) aux commissions d’enquêtes parlementaires, en passant par les enquêtes documentées de la presse, l’expansion de la corruption dans tous les segments de la vie économique et sociale a régulièrement été mise à nu (foncier, institutions, infrastructures, etc.).

Malgré tout, le régime de Roch Marc Christian KABORÉ n’a rien entrepris. Le comble de cette mauvaise gouvernance qui a suscité un vif émoi au sein de l’opinion a été le drame d’Inata où des gendarmes du détachement ont été soumis à la faim malgré des appels répétés au secours, avant d’être victimes de l’assaut des terroristes qui a fait parmi eux cinquante-trois tués et de nombreux disparus. Aujourd’hui que la gangrène de la corruption est généralisée et qu’elle est bien installée dans l’entourage immédiat du président, on ne peut que rester sceptique devant l’engagement pris par ce dernier de mener une « opération mains propres pour vider tous les dossiers pendants de corruption ». Il s’agit en vérité de promesses démagogiques, inspirées par la peur des menaces qui pèsent sur son pouvoir bâti sur la corruption.

Pour le 7è congrès de la CGT-B, les populations en général, la jeunesse en particulier, doivent tirer toutes les leçons de l’insurrection populaire en faisant le bilan de l’alternance qui s’est réalisée en 2015 et que certains considéraient comme un objectif ultime. C’est ici que le fameux adage de feu le professeur Joseph KI-ZERBO selon lequel « un saut dans le feu impose un nouveau saut » prend tout son sens.

Certes, l’exaspération et l’indignation sont légitimes, mais il faut éviter les prises de position émotionnelles et aventuristes appelant à l’avènement d’un coup d’Etat, à l’intervention militaire soit des Nations unies ou d’une autre puissance impérialiste telle que la Russie pour sauver le pays de cette situation difficile. Faut-il le rappeler, les coups d’Etat, quel que soit leur nature (complot impérialiste, révolution de palais, pseudo-révolution, …), ne peuvent apporter un changement favorable et durable au profit des travailleurs et du peuple.

Bien au contraire, ils constituent des moments de reculs graves sur les plans de la liberté et des acquis sociaux. Les beaux discours des premières heures font place toujours à l’autoritarisme. Par ailleurs, toutes les puissances impérialistes, parce qu’elles poursuivent les mêmes objectifs d’exploitation et de domination, ne peuvent constituer des recours salutaires pour les peuples. Pour nous donc, la sécurité d’un Etat est une question de souveraineté.

Il est clair que ce à quoi aspire notre peuple, c’est un changement véritable et non pas une nouvelle aventure à l’issue très incertaine. Cela est tout le contraire de la fameuse réconciliation nationale que le pouvoir, ses amis et ses maîtres impérialistes concoctent depuis quelques années et qui ne visent rien d’autre qu’à réaliser l’unité de la bourgeoisie en consacrant l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques.

Dans cette optique, le 7è congrès appelle les militant(e)s de la CGT-B, les travailleurs en général, à renforcer les cadres authentiques de lutte. C’est en s’orientant dans cette voie qu’ils pourront imposer la prise en compte de leurs préoccupations et contribuer à constituer un puissant mouvement d’unité populaire en vue d’opérer un changement fondamental en faveur du peuple.

Ouagadougou, le 27 novembre 2021

Le congrès

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