1 juillet 2025
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Relations Burkina Faso- France : « J’ai espoir que les lendemains pour les deux pays seront meilleurs et que les choses évolueront dans le bon sens pour l’intérêt de tous » Ousmane Ouédraogo, Conseiller élu des français de l’Etranger

 Il est né à Ouagadougou, précisément dans le quartier paspanga marié et père de 2 enfants. Il a fait une partie de ses études au Burkina pour ensuite les poursuivre en France pour devenir ingénieur informaticien de métier. Présentement installé au Burkina Faso où il a créé sa propre entreprise, il préside le conseil consulaire en tant que conseiller élu des français de l’étranger. Pour savoir qu’est-ce qu’un conseiller élu des français de l’étranger, quel est son rôle, comment analyse-t-il la compagne électorale présidentielle française, quel regard a-t-il du sentiment anti-français au niveau de la jeunesse et son appréciation des relations franco-burkinabè, L’Infoh24 lui a tendu le micro à travers cet entretien.  

Infoh24 : Comment êtes-vous devenu conseiller élu des français de l’étranger ?

Ousmane Ouédraogo : Ma première expérience en tant qu’élu a commencé en 2007, durant mon séjour en France dans la ville de Loudéac lorsque j’y étais pour mes études et après où j’ai commencé à faire mes premiers pas professionnels dans une société de la place. Après avoir eu la chance d’être ainsi le plus jeune élu local, j’ai continué en 2011, lorsque je suis revenu m’installer au Burkina Faso suite à un projet familial en créant ma structure dans le domaine informatique. Fort de cette expérience d’élu local en France, en 2014, lorsqu’il y a eu les élections pour les français de l’étranger au Burkina, je me suis présenté avec le soutien et les encouragements d’amis en tant que conseiller élu des français de l’étranger ayant eu la possibilité d’obtenir la nationalité française. C’était la première fois que cette élection avait lieu, suite à la réforme de 2012 en France qui consistait à créer des élus de proximité à l’étranger rattachés aux ambassades ou aux consulats. Pour le principe, les conseillers élus sont comme des élus locaux qui se réunissent autour du consul ou de l’ambassadeur pour statuer sur des sujets concernant les français qui résident dans la localité. Le conseilleur est élu au suffrage universel direct par les français qui résident dans le pays en question. Au Burkina Faso par exemple, on compte près de 3500 français. Ainsi ma première expérience qui date de 2014 où il fallait élire 3 conseillers et j’ai eu la chance d’être élu pour représenter les français vivants au Burkina Faso.

Vous êtes élu pour représenter les français qui vivent au Burkina Faso, quel est véritablement votre rôle sur le terrain au-delà d’être en relation avec le consul ou l’ambassadeur ?

Je voudrais relever que je suis à mon second mandat, le premier ayant commencé en 2014. C’est un mandat de 6 ans renouvelable. Il devait prendre fin en 2020, mais à cause du COVID, il a été prolongé d’un an, soit de 2014 à 2021. A l’issue du renouvellement, j’ai eu encore la chance d’être réélu pour un second mandat de cinq ans, soit de 2021 à 2026 pour rattraper l’année de rajout. Le travail de façon concrète sur le terrain d’un conseiller qui est très prenant, c’est de participer à des sessions, des réunions, des conseils consulaires, pour traiter des sujets sur l’éduction. Par exemple, nous avons deux fois par an des commissions au niveau du consulat pour sélectionner ou attribuer des bourses scolaires à des français ou familles françaises qui résident au Burkina Faso et qui veulent scolariser leurs enfants à l’école française à ouaga ou Bobo. Suivant ainsi un processus, la commission dans laquelle nous nous trouvons, nous devons étudier les dossiers et dégager les bénéficiaires à travers une grille et des quotités pour les enfants de ces familles.   

Il y a aussi des commissions qui se réunissent pour statuer sur le social. Il y a des familles des français qui sont au Burkina et qui ont des difficultés sociales, il y a des dossiers qui sont montés au niveau du consulat et après une commission se réunit pour voir comment accompagner la famille suivant les fonds disponibles. Il y aussi des conseillers consulaires qui peuvent se réunir pour accompagner et orienter au niveau de l’emploi ou de la formation professionnelle des français qui vivent au Burkina et qui peuvent avoir besoin d’un soutien dans un domaine professionnel pour rebondir ou changer d’activité. IL y a aussi des conseillers consulaires qui se réunissent sur la santé des français qui ont des difficultés sur la couverture santé. Face à cette difficulté, il y a un fonds qui peut être mis en place pour accompagner les français qui n’ont pas assez de moyens pour souscrire à la caisse des français de l’étranger. Sur la base d’un dossier la commission se réunit pour donner son avis pour valider ou non l’aide qui est attribuer à ces français en difficultés.

Toujours au niveau des conseillers consulaires, on peut avoir des consulaires d’ordre sécuritaires, pour parler de sécurité, car c’est un sujet d’actualité pour les français qui vivent au Burkina Faso. En sus de tout cela, le conseil consulaire peut se réunir sur un sujet de l’heure, selon l’ordre du jour proposé. A tire d’exemple, le conseil consulaire peut se retrouver pour l’attribution des bourses scolaires, car l’Etat français peut allouer par an une enveloppe de près d’un demi-milliard pour accompagner les familles qui bénéficient d’un appui ou d’une bourse scolaire pour scolariser leurs enfants. Ainsi pour la session de cette commission que je préside, suite à l’élection en 2021 des trois conseillers, j’ai été élu président du conseil consulaire. Aussi notre rôle est de veiller au bon usage de l’argent public qui est mis à notre disposition. C’est également de travailler à défendre le droit des français qui sont au Burkina et de les accompagner au maximum pour qu’ils ne soient pas en grosses difficultés.

Quels sont les critères pour être élu conseiller des français de l’étranger ?

Pour être élu conseiller des français de l’étranger, il faut être dans un premier temps de nationalité française, résider dans le pays où on sera élu, être inscrit à l’ambassade, avoir la majorité. Ensuite, il faut déposer une liste de six noms dans les délais d’une campagne. Pour le cas du Burkina, c’est trois conseillers qui sont élus, car c’est en fonction du nombre total des résidents que le nombre de conseillers est déterminé. Au Sénégal, on se retrouve avec six ou sept élus, car ils sont à dix milles français. Il faut par la suite déposer un projet lors de l’élection et se battre par la suite pour avoir les faveurs des électeurs pour être élu. A la dernière élection, il y avait jusqu’à cinq listes et j’ai eu la chance que ma liste est obtenu le plus de voix.

Le conseil consulaire est-il obligé d’être élu sous la bannière d’un parti ou peut-il être indépendant ?

Sur cet aspect, le conseiller n’est pas obligé d’être sous la bannière d’un parti. Il peut être indépendant dans la mesure où ce sont des élections locales, de proximité. Etre connu dans la communauté est un atout.  Mais n’empêche qu’on peut avoir le soutien des partis politiques qui estiment que votre liste à une aspiration qui correspond à leurs valeurs. Dans ce sens les partis politiques peuvent décider de vous apporter leur soutien. On n’est aussi libre de l’accepter ou de refuser. On peut l’accepter et ne pas l’afficher, parce que ce sont des élections locales et on veut ratisser large.

Quelles sont les relations que vous entretenez en tant que conseiller élu avec les autorités burkinabè ?

Avant de répondre à cette question, je voudrais préciser qu’un peu plus de la moitié de la communauté française qui vit au Burkina est burkinabè, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de binationaux. Ainsi la relation avec les autorités locales sont bonnes, même si on n’a pas de relation directe avec elles. On s’occupe des français, mais comme beaucoup aussi sont burkinabè ça facilite un peu les choses. Notre relation avec le Burkina c’est quand on accompagne un français qui veut par exemple obtenir la nationalité burkinabè. Ma binationalité aide un peu facilement à orienter vers quelle administration aller. Mais ce n’est pas ma mission d’aller vers l’administration locale en question. C’est une prérogative qui est réservée à l’ambassadeur ou au consul.

Le 10 avril 2022, se tiendra l’élection présidentielle française, alors vous en tant que français vivant au Burkina, comment vous apprécier cette campagne qui se déroule ?

Cette année malheureusement, avec la crise qu’il y a en Europe entre l’Ukraine et la Russie et localement au Burkina, où nous traversons une crise sécuritaire, alimentaire et sanitaire qui fait qu’on n’entend pas parler beaucoup du débat politique en France. Les médias locaux et internationaux sont plus intéressés par d’autres sujets. Pour revenir à la question, on essaie de s’y intéresser, car c’est le choix de notre prochain président. J’espère que les français qui sont au Burkina sortiront voter pour la présidentielle et pour les législatives qui s’annoncent, il faut pouvoir exprimer son devoir civique, quand on a cette chance, il faut la saisir. Pour toujours répondre à la question, actuellement le débat n’est pas comme en 2017, mais c’est indépendant de la volonté de tout d’un chacun. C’est l’actualité qui cause cela, mais je pense que les français sont conscients qu’il y a une élection qui se joue en France et il aura forcément un choix à faire.

Quel regard vous avez sur les 13 candidats en course. Pensez-vous qu’il y aura alternance ?

Dans une élection, rien n’est gagnée d’avance, même s’il faut reconnaitre que sur les 13, il y a 4 qui se détache du lot quand on regarde les sondages. Mais comme je l’ai dit dans une élection rien n’est acquis à l’avance. A mon avis c’est une élection qui va être serrée et le choix des français sera pour moi des choix d’électeurs convaincus.  On peut ne pas avoir une grosse participation, mais les électeurs seront convaincus du choix qu’ils feront. On parle souvent du taux de participation faible, mais on ne doit pas oublier que ceux qui iront voter c’est ceux qui sont convaincus de leur candidat. Les chances des 4 candidats en tête des sondages sont ouverts et je pense qu’il faut attendre encore d’ici la fin de la campagne (interview réalisée le 1avril 2022) pour voir si le candidat sortant va conserver son avance ; jusqu’à la fin des élections ça peut toujours changer.

L’Afrique francophone est le pré carré de la France et les africains se sont toujours intéressés aux élections françaises et réciproquement les français aux élections en Afrique, est ce que vous pensez que cette élection va contribuer à redéfinir la carte politique, d’autant plus le président sortant avait au lendemain de son élection parler de rupture ?

Pour cela, je suis aussi un électeur et je vais voter le 10 avril 2022 et je pense que ce vote sera pour un candidat que j’estime sérieux, qui peut tenir la route, dans un monde qui ne cesse d’être en ébullition, qui peut avoir une diplomatie forte, car il y a beaucoup de conflits et d’enjeux de nos jours. J’avoue que le choix du président pour la France déterminera les relations pas seulement pour l’Afrique ou le Burkina, mais avec les autres pays du monde. On a vu le cas avec les USA, le changement de président a entrainé une redéfinition des relations avec d’autres pays. Je pense qu’en fonction du président ou de la présidente les cartes seront rebattues.  Si c’est le président sortant qui est réélu, on peut avoir une réactualisation ou une continuité, car c’est un président qui avait prôné la rupture ou si c’est un autre président, ça va changer ; parce que les citoyens ont envie de se reconnaitre à travers leur dirigeant et les orientations, les relations diplomatiques tiendront compte de ces aspects. Après les élections en fonction du président, on pourra savoir quelle direction la France prendra pour les 5 prochaines années.

Comment comprenez-vous le sentiment anti français qui animent la jeunesse africaine présentement ?

 Répondre à cette question est un peu difficile pour moi, car ça sort un peu de mon périmètre d’action.  Moi je suis un élu local, je ne suis pas très habilité à m’exprimer sur ces sujets ; d’autant plus que l’ambassadeur s’est déjà prononcé sur une question de ce genre.

Ne pensez- vous pas que la partie française à sa part de responsabilité avec des propos discourtois, notamment ceux de l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire sur le convoi de Barkhane ou du ministre des Affaires étranger sur le Mali ?

C’est une question diplomatico-politique et comme moi je suis plus consulaire, il n’est difficile de donner une réponse. Cependant, ce que je dirai sur cette préoccupation n’engage que moi.  Evidemment, si je veux faire du plaisir dans un sens ou dans l’autre, je dirais oui ou non. Mais je pense que pour faire la bagarre, il faut être deux comme le dit une sagesse africaine. S’il y a un disfonctionnement au niveau relationnel, je pense que chacun doit avoir une lecture critique de sa position et tout le monde y gagnerait.  

Vous qui êtes un français vivant au Burkina, quel regard avez-vous présentement des relations entre le Burkina et la France ?   

Actuellement vu la période que nous vivons, je pense que mon avis peut ne pas être d’actualité, car de nos jours les choses vont vites. La vérité d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui, pour ne pas me tromper, je préfère dire que j’ai espoir que les lendemains pour le Burkina et la France seront meilleurs. J’ai espoir que les choses évolueront dans le bon sens pour l’intérêt de tous.  Le monde est devenu un gros village, nous sommes une communauté dans le monde et quelles que soient nos différences, je pense qu’on doit se focaliser sur ce qui nous lie et uni, car ça fera un bien fou ; plutôt que de s’intéresser à ce qui nous divise. Je suis partisan de ceux qui fondent l’espoir sur un avenir meilleur pour le bien être de chacune des communautés.

Quel est le message que vous souhaitez transmettre à la jeunesse burkinabè et française ?

Le message que je souhaiterai transmettre, c’est inciter la jeunesse à s’engager un peu plus sur les préoccupations de la cité. J’ai eu la chance d’intégrer un conseil municipal très jeune, aujourd’hui je préside le conseil consulaire et quand je regarde le monde, je pense que le meilleur moyen de défendre les intérêts collectifs c’est de s’engager. J’invite la jeunesse dans sa globalité à savoir donner du temps, de l’énergie et surtout pour aider et accompagner. Agir de façon désintéressé est très important pour accomplir des grandes choses. Quand je vois que je participe humblement à faire avancer les choses, des compatriotes, cela me satisfait. Donc j’encourage les jeunes à s’engager et aller dans la représentation de façon sincère, c’est comme ça qu’on fera bouger les choses à notre faveur.             

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