Tout a commencé à Djibo, tout se terminera à Djibo. En attendant, on évite soigneusement Djibo depuis 2012. Oui, vous avez bien lu : 2012 au moins. Djibo, c’est la synthèse de toute l’incurie des autorités politiques et militaires du Burkina Faso en matière de gestion de la cité. Tout y est.
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Il passe par l’école républicaine classique avant d’entrer dans une école coranique, au Burkina Faso puis à l’étranger. Aucun contrôle par l’État de la formation qu’il y reçoit. Il commence à prêcher en 2009 dans des villages du Soum et dans deux radios locales. Il fonde une association islamique baptisée ????????-???????????????????????? reconnue par l’état (récépissé), et crée sa propre école coranique en 2012.
Ses discours n’apparaissent alors pas comme extrémistes, il prône notamment l’égalité entre les Peuls et les Rimaïbé, les descendants des populations autochtones réduites en esclavage, puis assimilés par les Peuls…
En septembre 2013, il est arrêté avec une vingtaine de ses talibés par l’armée française près de Tessalit, au Mali, au cours de l’opération Serval. Une importante somme en euros étant retrouvée sur lui, Ibrahim Malam Dicko est alors soupçonné de chercher à rejoindre Ansar Dine. Remis aux Maliens, il est incarcéré à Bamako, puis libéré en 2015.
Il regagne tranquillement Djibo et prêche dans une mosquée et une radio locale.
Début 2016, il est désavoué par l’émir de Djibo et le grand imam, dont Malam a épousé la fille ; peu après Malam répudie sa femme. Les autorités burkinabè sont alertées sur sa radicalisation. Mais ne bougent pas.
Selon le témoignage d’un ancien membre d’Ansarul Islam (article du journal français Le Monde en 2017 « Burkina Faso : confessions d’un ancien djihadiste »), c’est fin novembre 2016, au moment de l’opération « Séguéré », menée par l’armée burkinabè près de la frontière malienne, que Malam Dicko décide de passer à l’insurrection armée, après avoir vu des paysans peuls subir des humiliations publiques de la part des militaires. En novembre 2016, ???????????????????????????? ????????????????????, le premier mouvement djihadiste burkinabè est formé dans la forêt de Foulsaré.
Un mois plus tard, Ibrahim Dicko publie un communiqué dans lequel il revendique l’attaque de Nassoumbou menée contre l’armée burkinabè et se donne le titre de « commandeur des croyants » et de « guide d’Ansarul Islam ».
Mieux, où pire, il y prône également la renaissance du royaume du Jelgooji, province la plus orientale de l’empire du Macina, la Diina, qui était située dans le nord de l’actuel Burkina Faso, au voisinage du royaume mossi du Yatenga.
Il était peuplé de Peuls qui avaient émigré du Macina et du Kunaari aux XVIIe et XVIIIe siècles à la suite de famines ou de querelles dynastiques… IL est donc question d’irrédentisme comme l’Azawad au Nord Mali !!!Toujours pas de réaction des autorités burkinabè.
Selon l’International Crisis Group : « Ansarul Islam, créé par Malam Ibrahim Dicko, un prêcheur originaire du Soum, est né de la contestation de l’organisation sociale en vigueur dans la province. Des années durant, Malam prône l’égalité entre les classes sociales. Il remet en cause la toute-puissance des chefferies coutumières et le monopole de l’autorité religieuse détenu par les familles maraboutiques, qu’il accuse de s’enrichir aux dépens des populations. Cette rhétorique lui vaut un écho considérable, surtout parmi les jeunes et les cadets sociaux (esclaves par descendance).
Même s’il perd une grande partie de ses adeptes lorsqu’il bascule dans la lutte armée, il parvient à en conserver suffisamment pour mener une guerre de basse intensité contre les autorités locales et nationales ».
Dans un documentaire en deux épisodes intitulé « ????????????????????, ????’???????????????????? ???????????????????? ???????? ???????????????????????????? » paru en 2017, le journaliste Ndiaga Thiam dresse un tableau clinique des menées de Malam Ibrahim Dicko et son Ansarul Islam dans le Soum. La terreur qu’ils y font régner. Le doyen Adama Dicko alias Carlos témoigne dans ce documentaire et vous pouvez l’interroger.
Mais toujours aucune réaction des autorités burkinabè…
Il faut dire que la démission de l’État, surtout avec l’avènement de la IVe République où l’État central sous le modèle du système camerounais de Paul Biya, semblait avoir laissé en rente viagère des fiefs aux oligarchies locales, à charge pour elles de veiller à la stabilité du régime.
Une deuxième cause importante qui a favorisé l’expansion rapide du terrorisme, c’est la corruption crasse de la justice et des FDS, en tandems avec une « oligarchie coutumière et maraboutique ». Ces gens avaient institué de véritables rentes sur le dos des paysans Peulhs dont ils spoliaient les bœufs.
Dans l’ensemble ce ne sont pas les alertes qui ont manqué. L’État, même sous Roch, n’a pas changé son incurie. Rien ne montre que sous la transition du MPSR l’administration publique a amorcé une mue. Voilà une vraie préoccupation de la refondation/restauration des institutions. Comment mettre fin à la démission de l’État? Comment expliquer que le préfet, le haut-Commissaire, les FDS abandonnent les territoires et les populations aux premiers coups de semonce ?
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Djibo subit une pression croissante depuis plusieurs mois, car elle représente un verrou stratégique que les djihadistes essaient de faire sauter.
Il y a une caserne de gendarmerie à Djibo.
En mars 2018, le Commandant de cette brigade de gendarmerie relevé de ses fonctions, accusé d’avoir libéré des terroristes. Ce à quoi il répondra avoir procédé à la libération sur la base d’une liste fournie par le parquet. Il aurait soutenu que des homonymies parfaites entre certains auraient été à la base d’erreurs de libération….
En octobre 2018, plusieurs hommes ont assiégé cette gendarmerie.
Bilan : des véhicules incendiés, des armes volées et des prisonniers échappés.
Le 31 décembre 2019 vers 20 heures à nouveau, plusieurs assaillants ont pris d’assaut la brigade. D’après une source à la gendarmerie nationale, l’arrivée en renfort d’un détachement armé a permis de repousser rapidement les terroristes dont plusieurs auraient été tués.
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Le 13 septembre 2019, les policiers quittent Djibo avec armes et bagages, laissant la population médusée devant le commissariat central abandonné.
Aucune communication des autorités. Mais vilipendée dans la presse et sur les réseaux sociaux, la réaction des policiers sera cinglante.
Un communiqué de l’UNAPOL, le syndicat de la police dénonce le mauvais équipement en armes des policiers : « ????????????????????????́ ???????? ????????????????????????????́ ????????́???????????????? ???????????? ???????????????????????????????????? ????’???????????????????????????? ???????????????????? ????????????̀???????????? ???????????????????????????????????????? ???????? ???????????????????????? ???????? ????????????????????, ????????????, ????????????????????????????????????-????????, ???????????? ???????????????????????? ???????? ???????????????????????????? ???????? ????????????????, ???????? ???????????????? ???????????????????????????? ????????’???????????? ???????????????????????????????? ℎ????????́????????????????ℎ???????? ???????????????????????????????????? ????’???????????? ???????????????????? ????́???????????????????? ????’???????????????????????? ????̀ ???????? ???????????? ???????????????????????????????? ???????????????????? ????’???????????????????? ???????????????????????? ????????????????́???? ???????????? ????????????????????????????????????, ???????????????? ???????????? ???????????? ???????????????????? ???????????????????????????????????? ???????? ???????? ???????????????????????? ???????????????????????? ????????????????????????????????́???????? ???????????????? ???????????? ???????????????????? ???????? ???????????????????????? » dénonce le communiqué…
S’ensuivit une violente polémique digne de la guerre des polices…
Une embuscade des GAT coûtera sa vie au Maire de Djibo alors qu’il se rendait à Ouagadougou, et après sa passe d’armes avec les policiers qu’il accusait d’abandonner les populations à leur triste sort…
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Depuis 2015 donc, le Soum est confronté à une recrudescence d’attaques terroristes et des enlèvements. Mi-septembre 2019, une opération de Barkhane a même été déclenchée au sol « à la demande des autorités burkinabè et en coopération avec leurs forces armées » selon le compte rendu de l’état-major français en date du 23 septembre. L’objectif était de « sécuriser ce verrou important entre le nord du Burkina et Ouagadougou ».
Il s’agit de la première opération d’envergure au sol, officiellement reconnue de la force française au Burkina Faso.Mais en réalité, il s’agissait de rassurer les convives du sommet de la CEDEAO à Ouagadougou, dédié à la lutte contre le terrorisme. Mais face à la polémique, le président Kaboré qui n’a jamais assumé sa collaboration sécuritaire avec la France, ne pérennisera pas ce renforcement de l’armée burkinabè par Barkhane au Sahel…
Le 11 août 2020, le Grand Imam de cette localité Souaibou Cissé est enlevé. Son corps avait été retrouvé cinq jours plus tard. Le conseil économique et social (CES), a dans un rapport publié le 24 août 2020 indiqué que depuis 2016, au total, 1 665 personnes, dont 1 229 civils et 436 parmi les forces de défense et de sécurité ont été tuées dans des attaques terroristes dans le pays.
Ces attaques ont également poussé plus d’un million de personnes à fuir leur foyer à travers le pays alors que le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire est passé de 2,2 millions en janvier 2020 à 2,9 millions en août 2020, soit une augmentation de plus de 30%, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA).
C’est alors seulement que le Président Roch Marc Christian Kaboré, sur proposition du ministre de la Défense nationale et des anciens combattants, a adopté un décret portant création d’un corps de troupe dénommé 14ème Régiment interarmées basé à Djibo, dans province du Soum, région du Sahel.
« Il est créé au sein de la Première région militaire (basé à Kaya, centre-nord), un corps de troupe dénommé 14ème Régiment interarmées (RIA) qui sera chargé de la préparation opérationnelle des personnels et matériels en mesure de participer à l’exécution des missions dévolues à l’armée de terre », précise le décret.
Le décret souligne par ailleurs que ce régiment est commandé par un officier supérieur nommé par le Président burkinabè lui-même.
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Ce fameux régiment s’illustre tristement depuis sa création.
D’abord, il refusera de voler au secours du détachement de gendarmerie de Inata, au motif qu’il n’a pas d’hélicoptères et que les routes sont minées par les GAT.
Ensuite, il restera l’arme au pied face au blocus de la ville vers laquelle les GAT rabattent toute la population ces quartiers périphériques et des villages et campements alentour.
A présent, il demanderait aux gendarmes et policiers, moins nombreux et moins bien armés que les militaires, d’aller sécuriser un point d’eau de l’ONEA où le camp militaire lui-même se ravitaille en eau !
Or, le 14ème RIA est là-bas et compte environ 400 hommes. Mais demande à la gendarmerie et à la Police Nationale de tenir le site d’eau la nuit. Lesquels à leur tour disent que les conditions ne sont pas appropriées pour passer la nuit là-bas.
Et d’ajouter que si eux les militaires qui sont 400, ne peuvent pas s’organiser pour tenir le site alors que ce sont eux qui s’y ravitaillent en eau, qu’ils laissent pour que les GAT viennent le détruire, on verra où ils d’approvisionneront en eau…
Ambiance, ambiance…
Et devinez contre qui les journalistes de service et les activistes pro-MPSR orchestrent une campagne pour exiger « des sanctions exemplaires pour rébellion et insubordination » ?
Le PSIG et la PN !
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Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et son régime s’agitent beaucoup sur l’administration, les médias, les activistes, les journalistes, etc. dont ils exigent un changement de comportement, et c’est louable et souhaitable.
Mais ils ont pris le pouvoir à la faveur de l’échec du PF Roch Marc Christian Kaboré et ses gouvernements successifs sur le front sécuritaire.
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Dont acte. Mais il apparaît de plus en plus clairement que depuis le début, le problème c’est aussi et surtout l’armée ! Et c’est à la nécessaire réforme de cette armée rétive à tout changement qu’il devrait s’atteler de toute urgence au lieu de se disperser sur tous les sujets certes importants, mais tellement ancrés dans l’administration et la société burkinabè qu’il ne pourra pas tous les régler en 3 ans !
Sans quoi, on sait déjà à coup sûr qu’il échouera et nous laissera une situation encore plus grave que celle qu’il a trouvée à son arrivée au pouvoir car il a en plus abattu les institutions démocratiques qui malgré leurs imperfections maintiennent un semblant d’ordre et servent de garde-fous contre la loi de jungle !