Au cours de la conférence de presse d’après verdict du procès Thomas Sankara, l’un des avocats de la famille Sankara s’est prononcé sur la question de la réconciliation nationale en lien avec le verdict et la lutte contre le terrorisme. Pour Me Prosper Farama, « si le salut le peuple doit venir de Gilbert Diendéré, nous sommes morts ».
Depuis quelques temps, certains Burkinabè appellent à la libération de certains détenus pour aller combattre le terrorisme. Parmi ces détenus, le nom du général Gilbert Diendéré est ressorti. Mais l’avocat, Me Prosper Farama dit ne rien comprendre dans une telle logique.
« On dit que ça va servir à la lutte contre le terrorisme. Moi j’ai envie d’avoir un débat avec quelqu’un qui tient cet argument. Je vous prie de me le trouver et que devant le peuple nous en débattions. Même si on suppose que Diendéré avait la clé magique pour nous sortir du terrorisme ; ce que vous me dites c’est que si un médecin tue quelqu’un et qu’on l’amène en prison, il faut le mettre dehors parce qu’il y a des patients qui attendent, il peut les guérir. Pourquoi vous le mettez en prison ?
Si un enseignant est brillant, il fait de bons résultats, il tue quelqu’un, si on le met en prison, il faut le sortir parce qu’il y a des élèves qui ont besoin de son talent. C’est ce que vous me dites. Diendéré est tellement talentueux que même s’il a tué des gens, il faut le mettre dehors parce qu’il peut nous sauver. Et moi je dis, si c’est ça, si le salut de notre peuple doit venir de Diendéré, nous sommes morts. Ça c’est ma conviction en tant que Burkinabè. Le salut d’un peuple qui vient d’un seul individu, sur une armée de plus de 10.000 personnes, excusez-moi. S’il faut compter sur des assassins pour nous défendre, je dis assassins parce qu’ils ont été condamnés… »
Quant à ceux qui estiment que les nouvelles autorités, la transition en cours, pourraient gracier les condamnés à travers une grâce présidentielle, « j’attire l’attention des autorités en place. Si les gens ont pris le pouvoir pour redresser les choses, pour venir gracier leurs amis ou leurs anciens amis, moi en tout cas je suis Burkinabè, je donnerai mon opinion. Ils auront face à eux, d’autres Burkinabè qui leur diront non. Parce que dans le principe, ça ne peut pas s’accepter.
Pour lui, ce n’est pas une affaire personnelle : « je n’ai rien à titre personnel contre eux (les condamnés), les conditions qu’on utilise pour gracier le dernier des Burkinabè, ce sont les mêmes conditions qu’on doit appliquer à Blaise Compaoré et à Gilbert Diendéré. Pas de privilèges pour qui que ce soit », mets en garde l’avocat.
Quid de la Réconciliation nationale ?
Il a également été question de la réconciliation nationale autour du procès dont le verdict est tombé le 6 avril 2022. « Je vais le dire comme je le ressens. Là je parle en tant que Burkinabè, je ne parle pas en tant qu’avocat. La question de la réconciliation, c’est une question qui interpelle tous les Burkinabè. La famille a son mot à dire, chacun de nous a son mot à dire.
La première question que je pose, est-ce qu’on peut parler de réconciliation, de grâce ou je ne sais quoi à quelqu’un qui n’a jamais demandé pardon ? A quelqu’un qui ne s’est jamais repenti ? Peut-être que j’ai raté un épisode mais, il me semblait, en tous points de vue, que ce soit dans la sociologie africaine, que ce soit même dans le cadre judiciaire, qu’on reconnait le pardon à quelqu’un mais qui fait office de repentance quand même. Mais quelqu’un qui ne se repenti pas, qui ne reconnait pas sa faute, qui ne demande pas pardon ? Avez-vous déjà entendu Blaise Compaoré, Diendéré ou Yacinthe demander pardon à la famille Sankara ? Moi je peux avoir raté un épisode, mais si je ne l’ai pas raté, je ne comprends pas. (…)

C’est pour moi un manque de respect, un manque de considération pour la mémoire de ceux qui sont morts, de ceux qui ont été assassinés. Quand même, demandez d’abord à ceux qui ont commis des fautes de les reconnaitre, demandez-leur d’abord de demander pardon et après, demandez à la famille de pardonner. Il parait qu’en Afrique maintenant, on peut pardonner sans qu’on ne demande pardon, mais cette Afrique-là, moi je ne l’ai pas connue.
Pourquoi en Afrique, nous on devient des sous-hommes, des sous-Etats, on est dans une autre dynamique, on peut tuer des gens, on fait des journées de pardon, en plein mars, après on recommence, on retue. Après encore on dit, il faut pardonner. Après encore on tue et on dit, il faut réconcilier. Mais quand est-ce que ça va s’arrêter. Je pense que ça ne s’arrête dans l’esprit de chacun d’entre nous, que quand ça ne concerne que notre part. De mon point de vue, pour moi, il n’y a pas de question de réconciliation ici qui est posée. Il y a une question de justice, elle a rendu son verdict. »