22 avril 2025
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Insécurité : « Il ne faut pas s’en servir comme un moyen de domination totalitaire», Dr Abdoulaye Barro, Philosophe

L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA/Burkina) a tenu son deuxième Café politique le 27 octobre 2023 à Ouagadougou avec le soutien de l’institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD) sur le thème « Renouvellement de la pensée, l’action et l’élite politiques : enjeux et propositions de mécanismes pour un nouveau leadership de qualité ».

Le deuxième numéro de l’année 2023, des Cafés politiques de ARGA/Burkina s’est penché sur la problématique du renouvellement de la pensée, de l’action et le de l’élite politique. La conférence a été animée par le philosophe Dr Abdoulaye Barro, enseignant chercheur en philosophie politique, l’historien Hyacinthe Ouédraogo, enseignant chercheur à l’Université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso et par le doctorant en science de la population, Ollo Mathias Kambou.

Avant d’aborder la problématique du renouvellement générationnel de la classe politique burkinabè, le Dr Abdoulaye Barro a tenu à expliquer le concept de la « pensée ». Pour le philosophe, le concept « pensée » renvoie à comprendre, donner une signification, et attribuer un sens à un évènement. Pour le communicateur, par rapport à la problématique du renouvellement de l’élite de la classe politique au Burkina Faso, le défi intellectuel consiste à développer de nouveaux concepts en vue de transformer les anciennes catégories de la pensée politique burkinabè. Pour lui, le renouvellement générationnel de l’élite de la classe politique au Burkina Faso ne peut se faire qu’avec la déconstruction de certaines idées dépassées.

Le Dr Abdoulaye Barro, enseignant en philosophie politique ©L’InfoH24

Parlant de l’action politique, le philosophe a fait remarquer qu’elle n’est pas une action spontanée, car déterminée par les conditions de la liberté de l’homme, à commencer par celle de penser librement et différemment. Elle renvoie donc selon lui à l’alignement de la liberté humaine, aux affaires sociales, économiques, culturelles, diplomatiques et sécuritaires.

Jeunesse et démocratie

Le communicateur a fait cas de l’existence d’une frange de la jeunesse qui semble rejeter la démocratie, l’état de droit, tant sur le plan théorique que sur un plan pratique. Pour lui, il faut surtout questionner ces discours du rejet de la démocratie parce que ces jeunes, dit-il, pensent que tout le mal du pays vient de la démocratie.

Il dit avoir observé l’installation d’une forme de pensée essentiellement totalitaire au sein de la jeunesse. « Beaucoup de jeunes ne savent pas ce que veut dire le mot vérité dans ce pays. Ils n’ont que des certitudes, or la certitude n’est pas la vérité, et un pays fait que de certitudes signifie la fin de la pensée critique et donc de la démocratie ».

Paradoxalement, malgré ce rapport tumultueux entre la jeunesse et le concept de la démocratie, il dit constater que le renouvellement est quelque chose que bon nombre de jeunes Burkinabè n’ont jamais réussi à bannir de leur rêve politique. Comme quoi, ce semblant de désamour de la jeunesse pour la démocratie n’est pas total et définitif.

Abdoulaye Barro fait savoir que malgré la prééminence des jeunes et des femmes dans la société démographique burkinabè, et leurs engagements dans les évènements marquants de l’histoire du Burkina, cela ne se traduit pas en effet par un niveau de leur participation et de leur représentativité dans les sphères décisionnelles du pays. Il prend pour preuve les évènements du 03 janvier 1966, l’avènement conseil national de la révolution (CNR) et l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre où les jeunes ont représenté la principale force politique mobilisée et le principal soutien de ces régimes. « Dans le contexte actuel il y a un rejet de la démocratie au profit d’une valorisation du totalitarisme. Les jeunes sont ballotés aujourd’hui entre une logique révolutionnaire et une logique démocratique », a-t-il affirmé.

Boureima Ouédraogo, Médiateur de ARGA/Burkina © L’InfoH24

Selon le philosophe, la principale difficulté pour comprendre le non renouvellement du personnel politique burkinabè réside dans la relation particulière qui existe entre les jeunes les forces sociales, les forces politiques et l’institutions militaire.

L’introuvable qualité et le poids de l’argent, des freins au renouvellement politique

Une autre difficulté du renouvellement du personnel politique Burkinabè réside dans la qualité du leadership de la relève et du poids de l’argent dans la politique selon Abdoulaye Barro. Le philosophe a pointé du doigt la qualité de la relève politique qui fait défaut jusque-là. En effet, selon lui, au sein des partis politiques, se pose même la question de la qualité de la jeunesse à prétendre diriger ou gouverner. « Un parti politique doit compter sur des militants formés, éduqués et cultivés, possédant des compétences politiques et techniques avérées. » A-t-il justifié.

Cheickna Yaranangore, le Représentant pays de l’institut Néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD) ©L’InfoH24

Le conférencier a fait savoir que le plus grand danger qui pèse sur le renouvellement de la classe politique reste le poids de l’argent. Pour argumenter cet état de fait, il a pris l’exemple de l’émergence d’un type nouveau d’homme politique qu’il a nommé le « syndrome Patrice Talon ». En effet, fait-il savoir, de nombreux jeunes qui semblent avoir réussi en affaire, veulent aussi se lancer en politique et s’emparer du pouvoir politique. Pour lui, il y a matière à interroger cette nouvelle tendance qui n’est pas sans conséquences dommageables pour la démocratie.

Les mécanismes pour un leadership transformationnel de qualité

Le chercheur en philosophie politique suggère aux jeunes surtout d’éviter une rupture violente générationnelle. Pour lui, « il faut partir d’une interaction entre la nouvelle génération et l’ancienne génération. Les jeunes ont à apprendre de l’expérience politique de leurs aînés, car la politique, ça ne s’improvise pas. »

Il préconise l’instauration de l’Etat de droit auprès de la jeunesse pour atténuer cette tentation à la violence dans la politique. Aussi, recommande-t-il la nécessité d’un réabonnement moral et éthique de la jeunesse autour des vraies valeurs comme la confiance en l’autre, l’esprit du don de soi, l’intégrité, la tolérance active, l’intérêt général, et la solidarité.

Républicaniser l’armée, un facteur de renouvellement

Un autre facteur qui pourrait faciliter le renouvellement du personnel politique selon le philosophe est surtout la dépolitisation et la républicanisassion de l’armée. Pour illustrer ses propos, il a repris une pensée de Joseph Ki-Zerbo qui dit en substance que l’armée devrait être une armée du peuple et non une armée contre le peuple. Pour lui, il faut éviter qu’elle soit à part, séparée du peuple, vivant comme un kyste au sein du pays. L’armée ne doit pas vivre en autonomie par rapport au bien commun, à la République.

Le philosophe dit être convaincu que le désir de renouvellement du personnel de la classe politique est et reste avant tout un désir de démocratie et non d’une quelconque dictature féroce. Pour lui, le Burkina Faso a besoin d’une foi démocratique combattante, et donc il ne faut pas se servir de la lutte contre le terrorisme comme un moyen de domination totalitaire de la société burkinabè.

Les participants ont répondu présents © L’infoH24

« Un système démocratique, un régime politique civil fort et crédible adapté et ancré dans nos réalités socioculturelles constitue le seul rempart contre l’intervention intempestive et permanente de l’armée sur notre scène politique nationale » a-t-il conclu.

L’historien Hyacinthe Ouédraogo, enseignant-chercheur à l’Université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso, a assuré la seconde communication sur le thème «la succession des générations politiques au Burkina Faso de 1947 à nos jours ». Le chercheur a défini trois générations de 1947 à 2014 qui se sont succédées dans la gestion du pouvoir public au Burkina Faso sans une véritable alternance. La première génération politique part de 1947 à 1957, la seconde de 1957 à 1980 et la troisième génération politique part de 1980 à 2014.

Le doctorant en science de la population, Kambou Ollo Mathias a quant à lui mené la réflexion sur le rôle et la responsabilité des jeunes pour le renouvellement de l’élite, de l’action et de la gouvernance politique. Il a rappelé le rôle historique de l’engagement des jeunes en politique au Burkina, évoqué le type d’engagement pour le renouvellement de l’élite des actions et de la gouvernance politique et enfin, donné quelques repères humains en termes d’engagement politique au Burkina et en Afrique.

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